ADUA / INSPECTION GENERALE DES FINANCES
Rencontre du 6 Janvier 2012
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THEME : LE PRELEVEMENT A LA SOURCE
Participants : Monsieur Pierre Emmanuel THIARD, Inspecteur des Finances.
Madame Michèle DUMONCHAU, Vice-présidente de l’ADUA
Monsieur André LE LAN Vice-président de l’ADUA (H)
Dans le cadre de ses fonctions de rapporteur général du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO ex Conseil des Impôts), Pierre-Emmanuel THIARD, Inspecteur des Finances a souhaité recueillir l’avis de l’Association D’entraide des Usagers de l’Administration et des services publics et privés ( ADUA ) sur les différentes questions posées par la mise en œuvre de la retenue à la source.
Le CPO a décidé en effet de consacrer son nouveau cycle de travail aux prélèvements à la source. Il s’agit d’une part de dresser un bilan complet des avantages et des inconvénients de la retenue à la source par rapport aux modalités alternatives de prélèvement de l’impôt ; d’autre part, de proposer des scénarios de réforme de ce mode de prélèvement, voire de son extension éventuelle à de nouveaux impôts (l’IR mais aussi d’autres impôts pesant sur les ménages)
Il est précisé que la réforme de l’IR ou la fusion IR/CSG sont explicitement écartées du périmètre du sujet par le CPO.
LE POINT DE VUE DE l’USAGER
L’ADUA représente plusieurs catégories d’usagers : les particuliers et les entreprises.
Du point de vue du particulier contribuable bénéficiant d’une source de revenus unique, il est indéniable qu’une extension de la retenue à la source représente une simplification importante de ses contraintes administratives.
Ce prélèvement libératoire lui permet de disposer de son pouvoir d’achat sans aucune anticipation de sa contribution fiscale.
Nul doute que les contribuables qui répondent à cette catégorie sont dans l’ensemble demandeurs. C’est une formule qui permet de coller à la réalité des situations qui peuvent évoluer d’une année sur l’autre et assure un ajustement en temps réel de la contribution fiscale au niveau de revenus. ( perte d’emploi, maladie, problèmes familiaux, séparation divorce, départ en retraite...)
Sont aussi intéressés les professions libérales ou commerciales ainsi que les intermittents du spectacle dont les revenus peuvent fluctuer de manière importante.
Plus problématique est le cas des particuliers qui ont plusieurs sources de revenus et des revenus qui proviennent d’autres sources que les salaires, traitements et retraites.
Pour eux se pose le problème du taux de prélèvement en fonction du niveau de leurs revenus.
Ce que les usagers ne savent pas c’est que le principe de la déclaration sera maintenu car il n’existe que très rarement de prélèvement à la source totalement libératoire.
En cas de revenus supplémentaires ou de dépenses soumises à déduction, les contribuables n’échappent pas à la déclaration traditionnelle des revenus.
Du point de vue de l’employeur, chef d’entreprise qui devient le tiers responsable de la collecte de l’impôt par le jeu du prélèvement à la source (PAS), on assiste à une inquiétude face à la complexité générée par ces nouvelles obligations.
Les PME et les artisans sont les plus fragilisés, ils redoutent des tâches administratives et une responsabilité supplémentaires. Beaucoup devront faire appel à un expert comptable ou augmenter sa mission, s’il existe déjà. Le PAS ne sera donc pas neutre en termes de nouvelles charges financières pour les chefs d’entreprise.
La mission de collecte de l’impôt donnera-t-elle lieu à compensation de la part de l’Etat ?
L’entreprise sera-t-elle responsable en cas d’erreur de calcul ou de retard de reversement au Trésor des prélèvements effectués ?
Enfin la notion de foyer fiscal et de quotient familial s’ils étaient maintenus, supposeraient une information de l’employeur qui distribuerait des salaires différents à des salariés ayant la même fonction.
Ces questions sont autant de préoccupations qui empêchent l’adhésion totale des entreprises au système du PAS.
LE PAS : UN NOUVEL ETAT D’ESPRIT
Equité fiscale
Le PAS repose sur un changement total de l’esprit de notre système fiscal basé sur le principe de la déclaration qui suppose une conscience citoyenne et un sens civique du contribuable vis-à-vis de son administration.
On voit bien les limites de cette ambition qui fait apparaitre la retenue à la source comme un des moyens efficace de lutte contre la fraude fiscale.
En effet, l’impôt est retenu au moment où le revenu est acquis, cela permet des rentrées stables aux pouvoirs publics et moins d’impayés à recouvrer tout en réduisant les coûts de collecte.
Les opérateurs économiques que sont les employeurs collecteurs d’impôts deviennent les acteurs de la lutte contre l’évasion fiscale.
L’impôt apparait ainsi plus juste par rapport aux contribuables qui restaient jusqu’alors dans la clandestinité et ne déclaraient pas leurs revenus.
Le principe d’égalité devant l’impôt se pose aussi pour les actifs non salariés qui ne peuvent être prélevés à la source.
Confidentialité fiscale
C’est un principe auquel les français restent très attachés.
Or, le PAS pour être efficace doit permettre une retenue au taux le plus proche de la réalité. Cela suppose que le tiers payeur connaît le niveau d’imposition de son salarié. Cette information n’est pas neutre et peut provoquer des distorsions dans la gestion financière du personnel. L’ajustement des prélèvements dû par le contribuable nécessite la communication d’informations sur ses revenus et sa situation personnelle.
A ce stade le passage au PAS peut avoir une incidence sur la formation des salaires et plus généralement sur les relations au travail.
UNE REFORME TECHNIQUE
C’est une réforme qui peut se faire à régime et législation fiscale constants.
Normalement la RAS ne doit pas modifier les recettes fiscales de l’Etat.
Le problème de l’année de transition comporte des risques budgétaires qu’il conviendra de neutraliser.
Ce changement de système de recouvrement de l’impôt sur le revenu suppose d’éduquer et de former notamment les opérateurs économiques qui seront les collecteurs de cet impôt.
Les employeurs auront à s’organiser tout comme l’administration mais il s’agit d’une réforme qui ne peut être brutale, il faudra au moins deux ans d’après les spécialistes pour sa mise en œuvre effective.
CONCLUSION
La France est le seul pays d’Europe, avec la Suisse, à ne pas utiliser le prélèvement à la source de l’IR.
Nos voisins, l’Allemagne, pionnier en la matière ont adopté le PAS depuis 1920.
Le dernier pays à avoir adopté le PAS est le Portugal en 1989.
Dans le monde, seuls la Suisse, Singapour et la France n’utilisent pas le système du PAS.
Cette étude comparative tend à montrer que notre système fiscal a besoin d’être simplifié et modernisé.
L’administration doit pouvoir atteindre son objectif en veillant à ne pas transférer sans contrepartie sa mission de recouvrement de l’IR sur des chefs d’entreprises déjà extrêmement surchargés par des responsabilités et tâches administratives très lourdes. La France est un des pays où les prélèvements sociaux en charge des employeurs sont les plus élevés.
Les usagers dans leur ensemble souhaitent une réelle simplification du système fiscal pour peu que cette réforme ne mette pas en péril d’autres équilibres structurants du monde du travail.
M Dumonchau /6.01.2012